Joseph Kosuth — interview par Stéphanie Moisdon,

Frog 3, 2006.

acteurs de cette fin des années 60 (Robert Barry, Lawrence Weiner, Daniel Buren…). Considéré par les uns comme une figure majeure incontestable, qualifié par d’autres d’artiste «théorique» ennuyeux et facile, Kosuth est avant tout un esprit malin qui a su très tôt mettre en place des méthodes d’analyse et de création à l’usage de plusieurs générations.

Kosuth est un rhétoricien habile, il ne se laisse pas aisément piéger par les stratégies de l’autre, les mécanismes de la célébrité et s’amuse à dérouter la sécheresse caricaturale dans laquelle bon nombre de ses contemporains ont tenté de le ranger depuis le début de sa carrière.

On aborde rapidement les effets de son fameux texte inaugural «L’art après la philosophie» (publié en 1969 dans le magazine Studio international) dans lequel ce jeune homme de moins de trente ans affirmait une nouvelle définition de l’art : la philosophie étant morte, c’est à l’art d’occuper aujourd’hui sa fonction spirituelle et conceptuelle, à l’artiste de remettre constamment l’art en question, en l’interrogeant sur sa propre nature. «Le ready-made fit de l’art une question de fonction. Cette transformation – ce passage de l’apparence à la conception – marquera le début de l’art moderne et de l’Art conceptuel. Tout l’art après Duchamp est conceptuel. » Il reprend la formule du peintre Ad Reinhardt «Art as art as art», l’adapte à ses vues «Art as idea as idea» et parvient ainsi à une proposition manifeste : «L’idée de l’art et l’art sont la même chose.» Prenant exemple sur l’analyse logique, il y reconnaissait aussi que les tautologies sont les seules propositions valables puisque, comme l’art, elles restent vraies en vertu d’elles-mêmes : «L’art est une tautologie. L’art est la définition de l’art.»

L’emblématique One and Three Chairs (1965), est aujourd’hui considérée comme un chef d’œuvre. Appréciation consensuelle qui doit faire sourire bien des témoins des polémiques que l’œuvre soulevait à l’époque de sa première exposition. Si Kosuth a été formé à l’école de Freud, de Wittgenstein, de la linguistique et de la théorie française (Genette, Baudrillard, Derrida, Lyotard), il ne faut pas pour autant voir son œuvre comme un seul exercice de spéculation intellectuelle mais bien davantage comme une manière de reconstruire un art ancré dans les choses, tourné vers les hommes, l’expérience, la nature ou la société. L’importance des citations ne doit pas aussi faire oublier la place qui est faite aux expérimentations informelles, aux erreurs, lapsus et autres jeux de mots. Au détour de la conversation, Kosuth me confie sur un ton sinistre son projet de constituer un ouvrage philosophique entièrement constitué de blagues. Une histoire qui n’a rien d’une plaisanterie croyez moi, à prendre au pied de la lettre, et qui ouvre bien plus largement sur la question du réel et de sa représentation.


— L’exposition est pour vous un outil de description et d’analyse de l’objet d’art qui se définit à partir de présupposés simples : qui parle, de quel lieu, avec quels objets, à qui et pour dire quoi ? Quand vous organisez à Bruxelles ou à Vienne une exposition consacrée à Wittgenstein, il s’agit de construire du sens pour votre propre travail et sa réception. Quels sont les enjeux de Matter Grey ?


Vous voyez le poster de l’exposition, le dessin d’un cerveau, la matière grise et l’image moderniste pour un show postmoderne, qui négocie, comme devrait le faire toute bonne exposition, avec les normes et les conventions de la modernité.

Il renvoie à la fois à l’aspect achromatique des œuvres rassemblées et naturellement à la matière grise à laquelle ces œuvres se réfèrent. J’ai voulu réunir plusieurs artistes de différentes générations (Haim Steinbach, Hanne Darboven, Seamus Farrell, Anne-Sofi Siden, Tino Sehgal) et construire un dispositif autour d’une œuvre inédite de René Magritte ainsi qu’une de mes premières pièce réactualisée. L’exposition permet de chercher dans la confrontation entre les œuvres et les langues un «supplément de sens».

J’utilise l’image du cerveau comme celle d’une protéine, non pas comme métaphore mais plutôt comme point de départ pour une conversation sur cet héritage de la modernité. C’est aussi pour moi relié au contexte lui-même, à Paris. Dans chacun de mes projets, la situation culturelle est essentielle. Ne pas tenir compte de cet aspect, la localisation, revient à neutraliser la qualité critique d’un projet. Par ailleurs j’aime bien organiser des group shows de petit format, comme je l’ai déjà fait si vous vous en souvenez chez Yvon Lambert.


­­— Quel intérêt trouvez vous à occuper le poste de commissaire ?


Quand c’est un artiste qui devient curator, la différence est importante. Les commissaires prétendent toujours mettre en jeu des bases scientifiques ou universitaires, ils revendiquent l’exactitude de leurs concepts, de l’approche historique, ils prétendent atteindre une certaine objectivité. Quand un artiste se prête au même exercice, il se fonde sur sa pratique, il se considère lui aussi comme un scientifique mais qui ne sait pas, qui cherche toujours à vérifier des hypothèses. Les curators habituellement, drapés derrière leur pseudo savoir, ne prennent jamais de responsabilités subjectives, ni de risques. L’exposition me permet d’expérimenter pratiquement cette notion centrale dans mon travail, «le supplément de sens». Ce supplément de sens qui naît dans le rapport entre les œuvres. Cette relation est plus signifiante que le sens de chaque pièce prise individuellement. Il n’y a aucune différence pour moi entre faire ce travail dans l’exposition et réaliser mes propres œuvres, c’est même une séquence de mon travail. Je pense par ailleurs que chaque œuvre, quoi qu’on en fasse, conserve toujours son intégrité, elle parle d’une voix singulière. Ce qui m’intéresse c’est le mouvement dynamique entre l’intégrité conceptuelle d’une œuvre et ce surplus de sens qui naît dans les associations et les montages. Je ne suis pas un historien d’art, mon travail dans l’exposition ne concerne que ma propre histoire.


— Comment observez vous cette histoire, à votre propre échelle, est-ce que vous voyez des changements importants dans la manière dont sont nées de nouvelles expertises critiques ou curatoriales ?


Aucune évolution n’est intéressante à court terme, il nous faudra bien plus de temps pour comprendre ce qu’il y a de passionnant et de problématique dans l’émergence de ces nouveaux métiers d’art. Il faudrait commencer par blâmer Roland Barthes, c’est là que tout démarre. Puis voir les contradictions de discours de Rosalind Krauss ou Benjamin Buchloh, qui d’un côté sont des polémistes agités et de l’autre revendiquent des positions d’historiens, l’autorité objective du savoir. Ils ont joué un jeu, qui se traduit en fait par une sorte de malhonnêteté ontologique. Je me suis battu contre eux de nombreuses années, comme bien d’autres artistes parmi les plus importants d’ailleurs. C’était une lutte de pouvoir, qui n’avait rien d’amical. C’était très difficile pour les artistes de défendre leurs positions en face de ces «savants» à moitié artistes. Je pense particulièrement à cette période des années 90, qui a poussé cette confusion au plus haut point, et particulièrement à Buchloh, qui a tiré le plus de bénéfices de ce brouillage entre l’autorité, la célébrité, la créativité.

J’ai souvent vu mon travail manipulé par des gens qui n’avaient jamais été là, qui refaisaient l’histoire rétrospectivement, qui ne s’étaient jamais impliqués personnellement. Parfait, faites de la fiction mais dites le ! Il ne s’agit ni de science, ni de conscience, ni d’histoire, simplement d’une prise de pouvoir.


— Cette dimension fictionnelle est assumée et revendiquée par les critiques de ma génération. Nous n’avons jamais prétendu faire ou défaire l’histoire, ni même s’y projeter. Notre seul objet, c’est le présent, la manière dont il se représente.


Ce que vous faites apparemment en tant que commissaires n’est ni confus ni malhonnête, vous vous intéressez aux concepts pour des raisons de spéculation intellectuelle. Bravo, brava. Je n’ai pas de problème avec ça. Vous êtes même beaucoup moins prétentieux que beaucoup d’artistes. Mais j’ai vu tellement de curators maltraiter et mépriser les œuvres etles artistes. Moi, quand j’invite, la plupart de mes invités sont heureux, ils sentent que leur travail est manipulé avec respect, ils ne se sentent pas sucés ou vampirisés. Je n’ai eu à faire que deux fois à des plaintes et c’était le format surdimensionné qui était en cause, ce qui crée inévitablement des problèmes de rivalités structurelles.


— Comment expliquer ces réflexes souvent paranoïaques ou défensifs des artistes vis-à-vis des critiques ou des curators ?


Il y a souvent une raison simple. Quand vous n’avez pas encore d’histoire, vous avez toutes les raisons d’être vulnérable et paranoïaque. Quand vous avez déjà établi votre notoriété, vous êtes protégé. Même si l’œuvre est dénaturée, tout le monde sait déjà de quoi elle est faite et peut se rendre compte des déplacements de sens, des trucages opérés par le curator. Moi, j’ai ma propre chambre, je n’ai rien à craindre.

ça me rappelle une anecdote assez drôle. Le projet d’un très grand musée à Stuttgart où le directeur avait décidé d’acheter une partie de mon œuvre pour mettre en place une sorte de rétrospective permanente. Le projet était magnifique, très ambitieux. Les politiques s’en sont mêlés, il s’est mis à les détester ainsi que l’architecte qu’il ne pouvait plus contrôler, puis à détester le bâtiment. Le jour de l’ouverture, il en est arrivé au point de dire à la télévision allemande qui l’interrogeait sur son sentiment par rapport à ce grand et beau musée qu’il avait tellement désiré : «C’est de la merde !» Ce jour-là, il s’est fait renvoyer par le maire de la ville. Vous ne pouvez pas dire ça, la vérité. Moi je dis bravo même si c’était un désastre, et un énorme gâchis pour moi. J’étais quand même supposé être la grande star de ce musée. Un nouveau directeur a été nommé, qui avait d’autres visions et centres d’intérêts, et qui a voulu réformer le travail de son prédécesseur et associer mon travail à celui de jeunes artistes, que je ne pouvais pas supporter. J’ai refusé, en disant que je n’aimais pas servir de support ou de caution à la promotion de ces gens et que j’étais contre ce mariage forcé.


— à propos d’instrumentalisation, quel usage faites vous d’une pièce de Magritte dans l’exposition, est-ce qu’il y a des problèmes de droits ?


Le cas de Magritte est intéressant, je travaille à partir de ses propres instructions et de la manière dont il a lui-même programmé une grille de lecture de son œuvre, une activation que la Fondation avait jusque là refusée. Je suis le premier à avoir obtenu leur autorisation, c’est la première fois qu’elle sera vue comme il le désirait.

Dans l’interprétation que l’on fait aujourd’hui de la modernité, Duchamp est une référence bien trop évidente. Je trouve plus excitant de regarder et de marquer un point d’origine avec Magritte, qui est souvent déconsidéré par les intellectuels.

Mais en fait, ce qui est drôle c’est qu’alors que la plupart des gens ramènent mon travail aux principes duchampiens, et c’est vrai que j’ai beaucoup écrit sur Duchamp dans les années 60, en tentant de le distinguer d’une certaine filiation Dada pour ne garder que le ready made, je l’ai aussi assez vite laissé de côté.

Ma position de « spécialiste » de Duchamp a pu entraîner des malentendus. Comme ce concept d’exposition des dernières acquisitions de Duchamp au Centre Georges Pompidou où Didier Ottinger voulait m’impliquer en tant que commissaire et confier la mise en scène à Richard Hamilton. Proposition que j’ai finalement refusée, tout simplement parce que je n’avais pas eu moi-même d’expositions sérieuses dans un musée parisien depuis 1971 et qu’en acceptant de tenir cette position je prenais le risque de manquer une meilleure occasion de montrer mon travail pour les dix prochaines années. C’était en fait stupide de ma part, sachant que je n’ai jamais été sollicité depuis. Peu importe, ce qui est intéressant avec le traitement et le regard que je porte sur un artiste aussi historicisé que Duchamp, c’est que je marque une différence. Mon Duchamp n’est pas le même que celui de Richard Hamilton et je me saisis de dimensions, d’aspects de chapitres que d’autres ignorent, je n’envisage pas la totalité. Je voudrais vraiment écrire sur Magritte, sur toutes ces dimensions négligées par la communauté des historiens et des critiques. Seul Foucault a écrit un petit livre solitaire (Ceci n’est pas une pipe) sur Magritte qui me semble solide. à ce sujet, il y a eu une formidable rétrospective que Ottinger encore organisait au musée des Beaux-Arts de Montréal où il avait invité six artistes contemporains à intervenir avec l’œuvre de Magritte. Une très bonne idée qui se servait aussi de Magritte comme appel, comme d’un appât, pour sa popularité, et qui a permis à des milliers de personnes qui n’iraient jamais voir de l’art contemporain de venir. Donc, j’avais un espace que j’ai réalisé avec des pièces de Duchamp, basé sur ce petit livre de Foucault. L’expo a voyagé à Düsseldorf et là j’ai vu un critique arriver, tourner autour d’une pièce de Magritte avec un petit air arrogant pour finalement me dire : «Magritte n’était vraiment pas un bon peintre, n’est-ce pas ?» A quoi je répondis «Oui,vous avez raison, il n’était probablement pas un bon peintre mais c’était un grand artiste. Pas comme Baselitz, qui est probablement un bon peintre mais un artiste médiocre.» Ce préjugé d’un journaliste en dit long sur la condescendance vis-à-vis de Magritte et de l’art en général. Il était assez furieux de ma répartie. J’aime bien raconter cette histoire, elle synthétise parfaitement une distinction que la plupart des gens préfèrent ignorer.


— Quelle est votre relation à Freud, et à la Fondation Freud à Vienne ?


Comme vous le savez, j’ai passé la plupart des années 80 à travailler sur les textes de Freud, un travail qui est devenu un chapitre central, à travers un wallpaper, de la grande exposition que j’ai faite chez Castelli à New York. Je m’occupe toujours de la Fondation et particulièrement de la chambre d’Anna Freud.


— Sur ces questions de langage qui vous intéressent particulièrement, c’est étrange de voir que si Freud et Wittgenstein sont des références permanentes, il n’y a rien sur Lacan. C’est pourtant un bon outil pour penser la tautologie et le jeu de mot. Les notions de mathématiques, de logique qui sont à l’œuvre dans la pensée lacanienne me semblent particulièrement actives dans votre système.


C’est trop proche, beaucoup de gens me renvoient aussi à Derrida, c’est trop évident, trop analogue. Avez-vous jamais noté par exemple comment le système analogique fonctionne mal dans le travail de Roy Lichtenstein. Je n’aime pas l’analogie, je préfère l’ubiquité. «Ubiquous», un mot que j’aime beaucoup, qui montre comment je parviens à internaliser par exemple la théorie freudienne dans le champ de la culture populaire. Ce geste d’intégration complexe m’est bien plus utile sur mon terrain de jeu. Quant à ces rapprochements intellectuels, Lyotard est aussi un cas intéressant. Il a écrit pour moi un texte («Foreword: After the Words») que je trouve très étrange, qui m’a un peu déçu, parce qu’il n’abordait pas frontalement mes principes d’écriture.

Il a juste saisi une opportunité de plus pour parler de ce qui l’intéressait, sans risquer la confrontation avec l’objet lui-même.


— Ce n’est pas toujours le cas ?


C’est aussi l’histoire particulière de la philosophie française avec des acteurs comme Lyotard, Derrida qui avaient une véritable aura, et qui ont marqué durablement les artistes de ma génération.


— Je pense que Haim Steinbach est un des artistes les plus intéressants aujourd’hui et aussi les plus ignorés. Vous êtes très proches, il est présent dans «Matter Grey», que pensez-vous de cette reconnaissance tardive, particulièrement en Europe ?


Vous avez absolument raison, il est totalement sous-estimé et c’est lié je pense à la promotion stupide et stérile d’artistes comme Jeff Koons qui occupent tout le terrain depuis trop longtemps. Quand ces gens sont apparus sur la scène il y a quelques années, les gens me demandaient «Qui pensez vous être l’artiste conceptuel le plus intéressant ?» J’ai toujours répondu : «Haim Steinbach !» Quand ils voulaient parfois même savoir pourquoi, je répondais «Parce qu’il utilise des objets !» et de rajouter «et après vous n’en comprenez rien». Mais j’ai aussi beaucoup de respect pour Hanne Darboven. Vous savez que je l’ai découverte dans les années 60 à New-York à travers une amie qui travaillait dans une boutique d’objets d’art. Elle est apparue pour faire des achats. Elle vivait dans une toute petite chambre, dans la partie allemande, à l’est de NY. Elle vivait comme Mondrian. Une vie d’ascèse que vous ne pouvez pas imaginer, assez folle dans son genre.


— Comment avez-vous été informé du travail de Tino Sehgal ?


J’étais très impressionné par lui. Nous avions tous les deux une expo à Eindhoven, et notre premier rendez-vous a été plutôt conventionnel. Je ne savais rien de lui, il était dans la position du jeune artiste à qui on destine une petite chambre alors que j’occupais la grande tour. Pendant le montage, je n’avais pas fait attention à lui ni à son projet, il est venu me chercher pour que je traverse tout le musée et que je vienne voir son travail. C’est anecdotique, banal, mais ça montre comment des choses et des rencontres importantes se passent souvent dans les recoins. On espère toujours, on attend et ça vient par surprise. Cette surprise, je l’ai vécue avec Sehgal, pas avec Koons. Même s’il respecte le travail de Koons, Sehgal a une approche bien plus intellectuelle de l’art et de son contexte.


— Que pensez-vous de cette focalisation sur la peinture, particulièrement en Allemagne et aux états-Unis, et de la stratégie de marketing autour de cet hypothétique revival ?


Le marché a toujours voulu de la peinture, c’est un revival permanent. Vous ne pouvez pas savoir le nombre de revivals que j’ai moi-même vécu depuis les années 60. Le problème est ailleurs, connaissez-vous une seule peinture à succès où le sens est à ce point supérieur qu’il joue avec l’autorité de la peinture et la disqualifie ? Les artistes n’arrivent à faire quelque chose qu’en s’appuyant sur le socle de cette autorité. On pourrait tenter de prendre cette histoire et d’en faire quelque chose d’autre, mais ce n’est pas ce que les artistes font et veulent. En fait ce n’est pas mon problème, j’ai assez à faire avec l’art en soi. Se limiter à une seule forme d’art, qui est déjà chargée d’une signification dominante, me semble sans intérêt. Le marché veut de la peinture, c’est le seul moteur. Bien sûr, on peut trouver des moyens de peindre autrement, le marché en serait ravi, mais je pense que quand on démarre une pratique artistique, il faut interroger le marché à un degré supérieur. Ils vous donnent une enveloppe, qu’est la peinture, et votre job consiste seulement à la remplir. Si vous voulez vraiment contribuer à quelque chose, il vaut mieux déchirer l’enveloppe. J’aime la peinture, mais je l’aimais vraiment quand elle était faite de cette authenticité, quand elle faisait partie de l’histoire. Je ne suis pas contre la peinture, seulement contre l’idée que c’est un moyen pour devenir artiste.

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’homme hirsute et juvénile, qui cache derrière ses petites lunettes rondes le regard acéré d’un joueur, me tend le poster de l’exposition collective dont il est l’auteur. Cet homme n’est ni un critique ni un commissaire mais l’artiste américain Joseph Kosuth. Son nom est  désormais irrémédiablement associé à l’histoire de l’art conceptuel, au groupe Art & Language ainsi qu’à d’autres

Joseph Kosuth

by seamus farell for Frog 3, 2006.